Définition et objectifs de la clause environnementale dans les marchés publics
Une clause environnementale dans un marché public est une disposition contractuelle permettant d’intégrer, dès la conception et l’exécution d’un contrat, des exigences destinées à réduire l’impact écologique de l’achat public. Concrètement, elle traduit la volonté de l’acheteur public de favoriser des pratiques respectueuses de l’environnement tout en respectant les principes de la commande publique (égalité de traitement, transparence et liberté d’accès).
Ces clauses peuvent viser plusieurs objectifs, tels que :
- la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports ou à la production ;
- la diminution des déchets et la promotion du réemploi et du recyclage ;
- la préservation des ressources naturelles (eau, énergie, matières premières) ;
- ou encore l’encouragement à l’usage de matériaux recyclés ou certifiés (type Ecolabel, ISO 14001, etc.).
L’insertion d’une clause environnementale permet donc de mobiliser la commande publique comme un levier de transition écologique. En effet, les marchés publics représentent une part significative du PIB français : orienter ces dépenses vers des pratiques plus vertueuses constitue un outil puissant de politique publique. Les acheteurs publics – qu’il s’agisse des collectivités territoriales, établissements publics ou services de l’État – peuvent ainsi inciter les opérateurs économiques à adopter des modes de production plus durables.
Enfin, la clause environnementale ne se limite pas à une simple déclaration d’intention. Elle impose des obligations concrètes et vérifiables, inscrites dans les documents contractuels (notamment le Cahier des Clauses Administratives Particulières – CCAP), engageant juridiquement le titulaire du marché à respecter des critères mesurables de performance environnementale tout au long du cycle de vie du produit, du service ou du chantier concerné.
Le cadre juridique de la clause environnementale
L’intégration des clauses environnementales dans les marchés publics repose sur un cadre juridique précis, défini principalement par le Code de la Commande Publique (CCP). Ce code consacre, depuis plusieurs années, le principe d’une commande publique durable, articulée autour d’objectifs économiques, sociaux et environnementaux.
L’article L.2111-1 du Code de la Commande Publique prévoit que la définition des besoins par l’acheteur doit tenir compte d’objectifs de développement durable, “dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale”. Autrement dit, les considérations écologiques doivent être intégrées dès la phase de préparation du marché, et non a posteriori.
Par ailleurs, l’article L.2152-7 du même code autorise expressément les acheteurs à retenir des critères environnementaux pour l’attribution du marché, à condition qu’ils soient liés à son objet. Il ne s’agit donc pas d’imposer des exigences générales, mais bien des obligations en lien direct avec le produit, le service ou les travaux concernés.
Cette logique a été renforcée par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, qui marque une étape décisive : à compter du 22 août 2026, toutes les procédures de passation devront intégrer au moins une considération environnementale. Cette obligation vise à rendre systématique la prise en compte du développement durable dans les achats publics.
Le cadre réglementaire se complète par les CCAG (Cahiers des Clauses Administratives Générales) applicables selon la nature du marché (travaux, fournitures, services, etc.). Chacun contient désormais une “clause environnementale générale”, qui fixe les obligations minimales des titulaires en matière de gestion des déchets, d’économies d’énergie ou de respect des réglementations environnementales.
Enfin, le CCAP (Cahier des Clauses Administratives Particulières) permet à chaque acheteur d’adapter ces obligations aux spécificités du marché. C’est dans ce document que sont définies les exigences précises (par exemple, l’utilisation de matériaux recyclés, la réduction des émissions de CO₂ ou la certification environnementale des produits) ainsi que les modalités de contrôle et les sanctions éventuelles en cas de manquement.
Les exigences vérifiables d’une clause environnementale efficace
L’efficacité d’une clause environnementale dans un marché public repose sur sa formulation claire, mesurable et contrôlable. Une clause mal rédigée ou dépourvue d’indicateurs précis risque d’être inopérante, voire illégale si elle ne respecte pas le principe d’égalité entre les candidats. Pour être opposable et utile, elle doit donc être liée à l’objet du marché, comporter des critères objectivement vérifiables, et prévoir des modalités concrètes de suivi.
Le lien nécessaire avec l’objet et le cycle de vie du marché
Selon le Code de la Commande Publique, toute exigence environnementale doit être directement liée à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Cela signifie que les obligations imposées au titulaire doivent avoir un rapport concret avec la prestation concernée.
Par exemple :
- dans un marché de travaux, la clause peut porter sur la gestion et la valorisation des déchets de chantier, l’usage de matériaux recyclés ou la réduction des nuisances sonores ;
- dans un marché de fournitures, elle peut imposer des produits écolabellisés, recyclables ou à faible empreinte carbone ;
- dans un marché de services, elle peut viser la limitation des déplacements, l’usage de véhicules propres ou la sensibilisation des agents à l’éco-gestes.
L’acheteur public doit également considérer le cycle de vie complet du produit ou du service, conformément aux principes du développement durable : fabrication, transport, utilisation, maintenance et fin de vie. Cette approche globale permet d’éviter une vision partielle ou symbolique des engagements environnementaux.
Des critères précis, mesurables et vérifiables
Pour être juridiquement solides, les clauses environnementales doivent reposer sur des indicateurs objectifs et méthodes de vérification définies à l’avance.
Les CCAG recommandent de privilégier les critères suivants :
- Certifications et labels officiels : Ecolabel européen, ISO 14001, HQE, FSC ou PEFC pour le bois, garantissant une conformité vérifiable.
- Indicateurs de performance : taux de matériaux recyclés, niveau d’émissions de CO₂, consommation énergétique des équipements, etc.
- Rapports de suivi et bilans environnementaux : exigés périodiquement par le pouvoir adjudicateur pour mesurer la mise en œuvre des engagements.
Ces éléments doivent être objectivement contrôlables, soit par la remise de documents justificatifs, soit par des audits environnementaux ou contrôles techniques sur site. Une clause trop vague, du type “le titulaire s’engage à adopter une démarche écologique”, serait inapplicable et risquerait d’être annulée.
Le contrôle effectif et les modalités de suivi
La crédibilité des clauses environnementales dépend de la capacité de l’acheteur à en vérifier l’exécution.
Concrètement, cela suppose :
- la désignation d’un responsable du suivi environnemental au sein du marché, chargé de vérifier la conformité des prestations ;
- la mise en place d’indicateurs de performance contractuels, intégrés aux rapports d’exécution ;
- la possibilité de contrôles inopinés ou de visites de chantier pour constater le respect des obligations ;
- et, en cas de manquement, le déclenchement de pénalités prévues au CCAP après mise en demeure.
Le contrôle doit être proportionné mais réel : une clause environnementale non suivie d’effet équivaut à une clause de style, dépourvue de portée juridique.
Bonnes pratiques pour la rédaction des clauses
Afin d’assurer la solidité et l’efficacité d’une clause environnementale, les organismes publics (notamment La Clause Verte, Setec, ou l’ADEME) recommandent de :
- formuler les obligations en termes de résultats concrets plutôt que de moyens (“le prestataire doit atteindre un taux de recyclage de 80 %” plutôt que “le prestataire s’engage à recycler ses déchets”) ;
- préciser les méthodes de preuve attendues (certificats, rapports, attestations) ;
- prévoir un barème de pénalités graduées, adapté à la gravité du manquement ;
- et, si possible, valoriser les performances environnementales dans l’évaluation finale du marché, en récompensant les titulaires les plus vertueux.
Ainsi structurée, la clause environnementale devient un outil de pilotage et de responsabilisation plutôt qu’une simple contrainte formelle.
Sanctions et pénalités en cas de non-respect des clauses environnementales
Le non-respect d’une clause environnementale dans un marché public engage la responsabilité du titulaire et peut donner lieu à des sanctions contractuelles, administratives ou pénales.
L’objectif n’est pas seulement punitif : il s’agit d’assurer la crédibilité du dispositif et de garantir que les engagements pris en faveur de l’environnement se traduisent par des actions réelles et mesurables.
Les sanctions contractuelles prévues dans le CCAP
Sur le plan contractuel, les clauses environnementales s’accompagnent généralement de pénalités financières fixées dans le Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP).
Ces sanctions visent à inciter le titulaire à respecter ses obligations et peuvent prendre la forme :
- d’astreintes journalières proportionnées à la durée du manquement constaté ;
- de retenues sur paiement jusqu’à régularisation ;
- voire, en cas de défaillance persistante, de résiliation du marché aux torts du titulaire.
Ces pénalités doivent être précisées dès la passation du contrat, dans le respect du principe de proportionnalité. Elles ne peuvent être appliquées que si le manquement est constaté objectivement et après mise en demeure restée sans effet.
Les sanctions administratives et pénales
En dehors du contrat lui-même, le non-respect des obligations environnementales peut relever de sanctions administratives ou pénales prévues par le Code de l’environnement.
Ainsi :
- les infractions aux réglementations environnementales (pollution, mauvaise gestion des déchets, non-respect des autorisations ICPE, atteinte à des espèces protégées) peuvent entraîner suspension d’activités, retraits d’autorisations ou fermetures temporaires ;
- les sanctions pénales peuvent aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et plusieurs centaines de milliers d’euros d’amende, notamment en cas d’atteinte grave à l’environnement ou de mise en danger d’autrui ;
- pour les personnes morales, les amendes peuvent être multipliées par cinq, et des interdictions d’exercer ou d'exclure de la commande publique peuvent être prononcées.
La loi Climat et Résilience de 2021 a par ailleurs introduit le délit d’écocide, applicable aux atteintes les plus graves à l’environnement, passible de 10 ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende.
La lutte contre le “greenwashing” dans la commande publique
La même loi a renforcé la lutte contre le greenwashing, c’est-à-dire les pratiques de communication trompeuses sur la performance environnementale d’un produit ou d’un service.
Les acheteurs publics doivent désormais vérifier la véracité des allégations environnementales présentées par les candidats. Une fausse déclaration peut être considérée comme une publicité trompeuse ou une fausse information dans une procédure de marché public, exposant l’entreprise à des amendes pouvant atteindre 80 % des dépenses de la campagne ou à une exclusion temporaire des marchés publics.
Ces dispositifs traduisent la volonté du législateur de sanctionner les comportements opportunistes et de garantir la sincérité des démarches environnementales engagées dans le cadre de la commande publique.
Vers une commande publique durable : enjeux et perspectives
L’intégration de clauses environnementales dans les marchés publics participe d’un mouvement plus large : celui de la commande publique durable. En orientant leurs achats vers des produits, services et travaux à faible impact écologique, les acheteurs publics jouent un rôle majeur dans la transition énergétique et écologique des territoires.
Cette démarche s’inscrit dans la stratégie nationale du Plan national pour des achats durables (PNAD), qui vise à faire de la commande publique un instrument de lutte contre le changement climatique, de préservation des ressources et de développement local.
Les collectivités territoriales sont en première ligne : elles peuvent, par exemple, privilégier des entreprises locales engagées dans l’économie circulaire, encourager des prestations à faible émission carbone ou imposer dans les chantiers des matériaux biosourcés, c’est-à-dire des matériaux partiellement ou totalement issus de la biomasse, tels que le bois, le chanvre, le colza, la paille.
Des outils existent pour les accompagner :
- la plateforme La Clause Verte (laclause verte.fr), qui propose des modèles de clauses environnementales prêtes à l’emploi ;
- les guides de l’ADEME sur les achats responsables ;
- et les formations du Fonds Social Européen (FSE) destinées aux acheteurs publics.
À partir du 22 août 2026, la prise en compte d’au moins une considération environnementale deviendra obligatoire pour tous les marchés publics, marquant une nouvelle étape dans la généralisation de la commande publique durable. Cette évolution traduit une conviction partagée : la commande publique peut et doit devenir un levier de la transition écologique, alliant performance économique et responsabilité environnementale.
Sources
- Code de la Commande Publique, articles L.2111-1, L.2152-7 et R.2111-12.
- Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 dite “Loi Climat et Résilience”.
- CCAG Travaux, FCS, MI, TIC – clauses environnementales générales.
- Marche-public.fr – “La clause environnementale dans les marchés publics” (https://www.marche-public.fr).
- Cabinet Seban & Associés – “Comment intégrer des clauses environnementales dans les marchés publics”.
- Setec Organisation – “La commande publique durable : vers une obligation d’intégration environnementale”.
- La Clause Verte – modèles de clauses et outils pour les acheteurs publics (https://www.laclauseverte.fr).
- FSE.gouv.fr – “Les achats responsables et durables dans la commande publique”.
